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HISTOIRE DE MES BÊTES.

C’était le seul chien chez lequel j’eusse trouvé l’originalité et l’inattendu qu’on trouve dans un homme d’esprit et de caprice.

— Enfin, dis-je à Michel, qu’a-t-il ?

— Il a qu’il est mort…

— Mais non, Michel, pas encore.

— Dans tous les cas, il n’en vaut guère mieux.

Et il posa le pauvre animal à terre.

La chemise de Michel était toute couverte de sang.

— Pritchard ! mon pauvre Pritchard ! criai-je.

Comme l’Argien mourant de Virgile, Pritchard rouvrit son œil moutarde, me regarda tristement et tendrement à la fois, allongea les quatre pattes, roidit son corps, poussa un soupir et expira.

Catilina lui avait, d’un coup de dent, ouvert la carotide, et la mort avait été, comme on l’a vu, presque instantanée.

— Que voulez-vous, Michel ! repris-je, ce n’est pas un bon serviteur, mais c’est un bon ami que nous perdons… Vous allez le laver avec soin, pauvre bête ! on vous donnera un torchon pour l’envelopper ; vous lui creuserez sa fosse dans le jardin, et nous lui ferons faire un tombeau sur lequel nous mettrons cette épitaphe :

Comme le grand Rantzau, d’immortelle mémoire,
Il perdit, mutilé, quoique toujours vainqueur,
La moitié de son corps dans les champs de la gloire,
Et Mars ne lui laissa rien d’entier que le cœur !

Comme toujours, je cherchai dans le travail une distraction à ma tristesse.

Cependant, désirant savoir vers minuit si mes désirs à l’endroit