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HISTOIRE DE MES BÊTES.

s’appuyait sur ce dilemme, au moins spécieux, qu’il était impossible qu’une langue aussi riche que la langue française n’eût qu’un même mot pour un substantif qui porte des noix, et pour un verbe qui donne la mort.

Il avait donc enrichi la langue française du mot neyer, comme M. de Jouy avait enrichi la langue latine du mot agreabilis.

— Et pourquoi cet homme noyait-il sa chienne ? demandai-je à Michel. Est-ce qu’elle est enragée ?

— Non, monsieur, douce comme un mouton, au contraire ! mais, que voulez-vous ! il la neye, cet homme, parce qu’il n’a pas de pain de trop à la maison pour lui, sa femme et ses deux enfants.

— Tenez, Michel, voilà dix francs ; portez-les-lui, et ramenez-moi la pauvre bête.

— C’est que…, dit Michel embarrassé, je dois avouer à monsieur une chose.

— Laquelle ?

— C’est que la chienne s’appelle Flore.

— Dame, Michel, le nom est prétentieux ; mais, que voulez-vous ! une chienne ne mérite pas d’être jetée à l’eau parce qu’elle s’appelle comme la déesse du printemps.

En sa qualité de jardinier, Michel réclama.

— Je croyais, monsieur, dit-il, que c’était la déesse des jardins.

— Michel, sans faire tort à vos connaissances mythologiques, les jardins ont pour divinité protectrice non pas une déesse, mais un dieu que l’on appelle Vertumne.