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HISTOIRE DE MES BÊTES.

— Est-ce que vous allez neyer votre chienne, mon brave homme ? lui demanda Michel.

— Ah ! monsieur, si ce n’est pas aujourd’hui, il faudra bien que ce soit demain. Ils ne savent de quoi s’aviser ! est-ce qu’ils ne viennent pas de mettre un impôt de dix francs par tête de chien ; tandis que, nous autres, nous ne payons que deux francs ! Est-ce que ce n’est pas humiliant qu’une bête qui n’a pas la parole paye cinq fois plus qu’un homme ? Eh bien, non, quoi ! on n’est pas assez riche par le temps qui court, quand on nourrit deux enfants, pour nourrir encore un chien par-dessus le marché, surtout quand ce chien paye dix francs d’imposition.

— De sorte, dit Michel, que vous offrez votre chienne à monsieur ?

— Oh ! de grand cœur ! dit le paysan ; car je suis sûr qu’elle sera bien avec lui.

— Comme une princesse ! dit Michel.

Michel, en homme prudent, ne s’engageait pas trop, comme vous le voyez.

— Eh bien, donc, dit le paysan avec un soupir, offrez Flore au monsieur.

Michel revint à moi.

— Avez-vous été heureux dans votre négociation, Michel, demandai-je, et le maître de la chienne est-il raisonnable ?

— Vous allez en juger, monsieur, répondit Michel : il vous l’offre pour rien.

— Comment, pour rien ?

— Oui, imaginez-vous qu’il allait justement la neyer.

Michel n’a jamais reconnu pour français le verbe noyer ; il