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HISTOIRE DE MES BÊTES.

choses les plus sérieuses de l’histoire, les plus futiles des mémoires les plus anciens, il les a retenues ; il parle familièrement des mœurs de tous les âges et de tous les pays ; il sait les noms de toutes les armes, de tous les vêtements, de tous les meubles que l’on a faits depuis la création du monde, de tous les plats que l’on a mangés, depuis le stoïque brouet de Sparte jusqu’au dernier mets inventé par Carême ; faut-il raconter une chasse, il connaît tous les mots du Dictionnaire des chasseurs mieux qu’un grand veneur ; un duel, il est plus savant que Grisier ; un accident de voiture, il saura tous les termes du métier, comme Binder ou comme Baptiste.

» Quand les autres auteurs écrivent, ils sont arrêtés à chaque instant par un renseignement à chercher, une indication à demander, un doute, une absence de mémoire, un obstacle quelconque : lui n’est jamais arrêté par rien ; de plus, l’habitude d’écrire pour la scène lui donne une grande agilité de composition. Il dessine une scène aussi vite que Scribe chiffonne une pièce. Joignez à cela un esprit étincelant, une gaieté, une verve intarissables, et vous comprendrez à merveille comment, avec de semblables ressources, un homme peut obtenir dans son travail une incroyable rapidité, sans jamais sacrifier l’habileté de sa construction, sans jamais nuire à la qualité et à la solidité de son œuvre.

» Et c’est un pareil homme qu’on appelle un monsieur ! Mais un monsieur, c’est un inconnu, un homme qui n’a jamais écrit un bon livre, qui n’a jamais fait une belle action ni un beau discours, un homme que la France ignore, dont l’Europe n’a jamais entendu parler. Certes, M. Dumas est beaucoup moins un