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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Alexandre Dumas, et qui ont étudié son merveilleux talent avec l’intérêt que tout savant physiologiste doit à tout phénomène, cette étourdissante facilité n’est plus un mystère inexplicable.

» Cette rapidité de composition ressemble à la rapidité de locomotion des chemins de fer ; toutes deux ont les mêmes principes, les mêmes causes : une extrême facilité obtenue par d’immenses difficultés vaincues. Vous faites soixante lieues en trois heures, ce n’est rien, et vous riez d’un si prompt voyage. Mais à quoi devez-vous cette rapidité de voyage, cette facilité du transport ? À des années de travaux formidables, à des millions dépensés à profusion et semés tout le long de la route aplanie, à des milliers de bras employés pendant des milliers de jours à déblayer pour vous la voie. Vous passez, on n’a pas le temps de vous voir ; mais, pour que vous puissiez passer un jour si vite, que de gens ont veillé, surveillé, pioché, bêché ! que de plans faits et défaits ! que de peines, que de soucis a coûtés ce trajet si facile, que vous parcourez, vous, en quelques moments, sans souci et sans peine !… Eh bien, il en est ainsi du talent d’Alexandre Dumas. Chaque volume écrit par lui représente des travaux immenses, des études infinies, une instruction universelle. Alexandre Dumas n’avait pas cette facilité-là il y a vingt ans ; c’est qu’il ne savait pas ce qu’il sait. Mais, depuis ce temps, il a tout appris, et il n’a rien oublié ; sa mémoire est effrayante, son coup d’œil infaillible ; il a, pour deviner, l’instinct, l’expérience, le souvenir ; il regarde bien, il compare vite, il comprend involontairement ; il sait par cœur tout ce qu’il a lu, il a gardé dans ses yeux toutes les images que sa prunelle a réfléchies ; les