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HISTOIRE DE MES BÊTES.

que celui qui écrit beaucoup écrit mal ; le vulgaire, à qui tout est difficile, a horreur de toutes les facilités. Les ouvrages nombreux lui semblent toujours des œuvres de pacotille, et, comme il n’a pas le temps de lire tous les romans nouveaux qu’Alexandre Dumas trouve le temps de publier, il croit que ceux qu’il a lus sont les seuls ravissants, que tous les autres sont détestables, et il s’explique sa merveilleuse fécondité par une imaginaire médiocrité. Que le vulgaire ne comprenne pas les facultés surprenantes de l’intelligence, c’est tout simple, c’est dans l’ordre ; mais qu’un jeune député, qui passe pour être un homme d’esprit, se mette sans réfléchir du parti du vulgaire, et s’en vienne inutilement attaquer à la tribune un homme d’un talent incontestable, d’une célébrité européenne, sans s’être rendu compte de la valeur de cet homme si extraordinaire, sans avoir étudié la nature de son talent, sans savoir s’il méritait littéralement le surnom cruel qu’il lui plaisait, dans son ironie, de lui octroyer, c’est une imprudence dont nous sommes encore étonné ; — c’est ému que nous devrions dire.

» Depuis quand fait-on un crime au talent de sa facilité, si cette facilité ne nuit en rien à la perfection de l’œuvre ? quel cultivateur a jamais reproché à la belle Égypte sa fécondité ? qui donc a jamais critiqué ses moissons pour leur maturité précoce, et refusé ses blés superbes sous prétexte qu’ils avaient germé, poussé, verdi, grandi, mûri en quelques heures ? De même qu’il y a des terres favorisées, il y a des natures privilégiées ; on n’est pas coupable parce qu’on est doué injustement ; le tort, ce n’est pas de posséder ces dons précieux, c’est d’en abuser ; et, d’ailleurs, pour les artistes sincères qui commentent