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HISTOIRE DE MES BÊTES.

C’est qu’à cette époque, ces messieurs de la Chambre étaient furieux contre nous, et ce n’est pas sans raison, vous allez en convenir.

Eugène Sue publiait les Mystères de Paris, Soulié publiait les Mémoires du diable, Balzac publiait le Cousin Pons, je publiais Monte-Cristo : de sorte que l’on s’occupait peu du premier-Paris, presque pas de la discussion des Chambres, et beaucoup du feuilleton.

Il en résultait que ces messieurs de la Chambre étaient fort jaloux des feuilletonistes, et qu’ils criaient à l’immoralité encore plus haut qu’ils ne criaient à l’ordre.

Et cependant, Dieu sait comme ils criaient !

Selon eux, l’immoralité était si grande, qu’ils finirent par mettre sur les feuilletons une taxe qu’ils avaient refusé de mettre sur les chiens, refus qui était fort heureux à une époque où je n’avais que trois ou quatre feuilletons par jour, et où j’avais quelquefois, grâce aux libéralités du pauvre Pritchard, treize ou quatorze chiens à dîner.

Une fois les feuilletons timbrés, ils ne dirent plus rien ; le timbre avait moralisé les feuilletons.

Mais ces messieurs rageaient en dedans. Le feuilleton allait toujours son train ; il avait une tache noire ou rouge à l’oreille ; il coûtait deux ou trois cents francs de plus aux journaux, c’est-à-dire qu’il rapportait au gouvernement le double de ce qu’il rapportait à l’auteur, ce qui est très-moral ; mais ni lecteurs ni journaux ne pouvaient se passer de feuilletons.

Il y avait même certains journaux auxquels on ne s’abonnait que pour les feuilletons.