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HISTOIRE DE MES BÊTES.

chasse du lendemain. Du moment que l’on avait le geai, on savait que la pipée serait bonne.

Expliquons donc toute l’importance de ces mots : « On a le geai. »

La Fontaine, qu’on s’obstine à appeler le bonhomme la Fontaine, comme on appelle Plutarque le bonhomme Plutarque, a fait une fable sur le geai.

Il a intitulé cette fable : le Geai qui se pare des plumes du paon.

Eh bien, c’est de la calomnie pure !

Le geai, un des animaux dans la tête duquel il passe le plus de mauvaises idées, n’a jamais eu, j’en jurerais, celle que lui prête la Fontaine, de se parer des plumes du paon.

Remarquez que j’affirme non-seulement qu’il ne s’est jamais paré, mais encore qu’il y a cent à parier contre un que le malheureux n’en a jamais eu l’idée.

Il aurait bien mieux valu qu’il se parât des plumes du paon que de faire ce qu’il fait : il ne se fût point amassé tant d’ennemis.

Que fait donc le geai ?

Vous connaissez l’histoire de Saturne, qui dévorait ses enfants ? Eh bien, le geai est meilleur père que Saturne : il ne mange que les enfants des autres.

Dès lors, vous comprenez quelle haine ont vouée au geai, les mésanges, les tarins, les pinsons, les chardonnerets, les rossignols, les fauvettes, les linottes, les bouvreuils et les rouges-gorges, dont le geai gobe les œufs ou mange les petits.

C’est une haine à mort.

Seulement, aucun de ces oiseaux n’est de force à se mesurer avec le geai.