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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Pritchard goba ainsi ses quatre œufs tout chauds, ni plus ni moins que Saturne gobait, dans des circonstances pareilles, la progéniture de Rhée.

Il est vrai que Pritchard avait sur Saturne l’avantage de la moralité. Ce n’étaient point ses enfants qu’il dévorait, c’étaient des êtres d’une autre espèce que la sienne, et sur lesquels il pouvait se croire les mêmes droits que l’homme.

— Eh bien, me demanda Michel, monsieur ne s’étonnera plus si Pritchard a la voix si claire… car monsieur sait que les chanteurs, pour conserver leur voix, gobent, tous les matins, deux œufs sortant du ventre de la poule ?

— Oui, mais ce que je ne sais pas, Michel, c’est comment Pritchard sortira de la basse-cour.

— Vous croyez qu’il est embarrassé ? Prenez donc garde.

— Mais enfin, Michel…

— Voyez-vous, voyez-vous ce qu’il fait, le guerdin ?

En effet, Pritchard, voyant sa récolte du matin finie, et peut-être aussi entendant quelque bruit dans la maison, se dressa sur sa patte de derrière, et, passant une de ses pattes de devant à travers le treillage, il souleva le loquet et sortit.

— Et quand on pense, dit Michel, que, si on lui demandait pourquoi la porte de la basse-cour est ouverte, il répondrait que c’est parce que Pierre a oublié de la fermer hier au soir !

— Vous croyez qu’il aurait l’infamie de répondre cela, Michel ?

— Peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas demain, parce qu’il n’a pas encore toute sa croissance ; — les chiens, vous le