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HISTOIRE DE MES BÊTES.

crainte d’y attraper des fraîcheurs ; mais violence leur fut faite ; on les y enferma de force, et bientôt, malgré le peu d’éducabilité que contienne la tête d’une poule, la plus idiote comprit qu’elle avait le bonheur d’appartenir à un maître qui, savant appréciateur de la maxime d’Horace, avait résolu le problème qui consiste à mêler l’utile à l’agréable.

Une fois convaincues, grâce à la couleur verte de leurs lambris, qu’elles pondaient dans l’herbe, les poules de Charpillon pondirent avec une plus grande confiance, et, par conséquent, plus abondamment ; ce qui, chez les autres poules, est une douleur qu’elles manifestent par un cri que, dans notre ignorance, nous prenons pour un chant, devint pour elles un amusement auquel elles se livraient régulièrement soir et matin.

Aussi leur réputation, aujourd’hui à son comble, commence-t-elle à se répandre dans le département.

Lorsqu’elles s’aventuraient dans l’une ou l’autre des trois rues de Saint-Bris, si quelque ignorant de la merveille que renfermait le village bourguignon s’écriait :

— Oh ! les belles poules !

Une voix mieux informée répondait à l’instant même :

— Je crois bien ; ce sont les poules de M. Charpillon.

Puis, si la personne à laquelle appartenait cette voix était douée d’un caractère envieux, elle ne manquait pas d’ajouter avec une intonation grincheuse :

— Je le crois bien ! des poules à qui l’on ne refuse rien.

Les poules de Charpillon, moins les couronnes obtenues par elles à la dernière exposition, étaient donc arrivées au plus haut degré de popularité auquel des poules, si cochin-