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HISTOIRE DE MES BÊTES.

pour le mort, et que je faisais cinq cents lieues en poste pour venir chercher, malgré mes larmes bien sincères, une rebuffade royale à Dreux, pendant de celle qui m’attendait à Claremont, quand, après avoir suivi par amour le convoi du fils, je croyais, par convenance, devoir suivre celui du père.

La veille du 13 juin, j’étais l’ennemi de M. Ledru-Rollin, que j’attaquais tous les jours dans mon journal le Mois ; le 14 juin, M. Ledru-Rollin me faisait dire que je me rassurasse et qu’il était en sûreté.

C’est ce qui fait que je visite plutôt les prisons que les palais ; c’est ce qui fait que j’ai été trois fois à Ham, une seule fois à l’Élysée, jamais aux Tuileries.

Je n’avais pas donné toutes ces explications-là aux électeurs de l’Yonne ; aussi, lorsque j’entrai dans la salle du club, où trois mille personnes m’attendaient, fus-je reçu par un murmure qui n’avait rien de flatteur.

Au milieu de ce murmure, une grossièreté se fit jour. Par malheur pour celui qui se la permit, il était à portée de ma main. Le geste par lequel j’y répondis fut assez retentissant pour ne laisser de doute à personne sur sa nature. Les murmures se changèrent en clameurs, et ce fut au milieu d’une véritable tempête que je montai à la tribune.

La première apostrophe qui me fut faite, fut pour me demander des explications sur mon fanatisme à l’endroit du duc d’Orléans. C’était attaquer le taureau par les cornes. Seulement, cette fois, c’est le taureau qui fut le plus fort. Je fis honte aux uns de leur oubli, aux autres de leur ingratitude. J’en appelai à ce cri de douleur qui, échappé le 13 juillet 1842 de la poitrine de trente