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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Composé du double élément aristocratique et populaire, — aristocratique par mon père, populaire par ma mère, — nul ne réunit à un plus haut degré que moi en un seul cœur l’admiration respectueuse pour tout ce qui est grand, et la tendre et profonde sympathie pour tout ce qui est malheureux ; je n’ai jamais tant parlé de la famille Napoléon que sous la branche cadette ; je n’ai jamais tant parlé des princes de la branche cadette que sous la République et l’Empire. J’ai le culte de ceux que j’ai connus et aimés dans le malheur, et je ne les oublie que s’ils deviennent puissants et heureux ; aussi nulle grandeur tombée ne passe devant moi que je ne la salue, nul mérite ne me tend la main que je ne la secoue. C’est quand tout le monde semble avoir oublié ceux qui ne sont plus là, que, comme un importun écho du passé, je crie leur nom. Pourquoi ? Je n’en sais rien. C’est la voix de mon cœur qui s’éveille en sursaut, en dehors de mon esprit. J’ai fait mille volumes, soixante drames : qu’on les ouvre au hasard, à la première page, au centre, à la dernière feuille, et l’on verra que j’ai toujours été un conseiller de clémence, soit que les peuples fussent esclaves des rois, soit que les rois fussent prisonniers des peuples.

Aussi c’est une noble et sainte famille que celle que je me suis faite, et que personne n’a que moi. Aussitôt qu’un homme tombe, je vais à lui et lui tends la main, que cet homme s’appelle le comte de Chambord ou le prince de Joinville, Louis Napoléon ou Louis Blanc. Par qui ai-je appris la mort du duc d’Orléans ? Par le prince Jérôme Napoléon. Au lieu de faire aux Tuileries ma cour aux puissants, je faisais, à Florence, ma cour à l’exilé. Il est vrai qu’à l’instant même, je quittais l’exilé