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HISTOIRE DE MES BÊTES.

garde nationale pour m’être si violemment compromis pendant les trois journées révolutionnaires.

Vous voyez qu’on entendait la représentation nationale et le serment de fidélité à la République à peu près de la même façon dans le département de Seine-et-Oise que dans le département de l’Aisne.

Sur ces entrefaites un jeune homme à la famille duquel j’avais rendu quelques services, et qui avait des relations, disait-il, dans la basse Bourgogne, m’assura que, si je me présentais dans le département de l’Yonne, je ne pouvais manquer d’être élu. Je suis plein d’une naïveté que bien des gens baptisent du nom d’amour-propre. Soit naïveté, soit amour-propre, je me figurais être assez connu même dans le département de l’Yonne, pour l’emporter sur les concurrents que l’on pourrait m’opposer. Pauvre niais que j’étais ! j’oubliais que chaque département tient à avoir des hommes de la localité, comme on dit, et que ma localité, à moi, c’était le département de l’Aisne. Aussi, à peine eus-je mis le pied dans le département de l’Yonne, que les journaux de toutes les localités se soulevèrent contre moi. Que venais-je faire dans le département de l’Yonne ? Étais-je Bourguignon ? Étais-je marchand de vins ? Avais-je des vignes ? Avais-je étudié la question vinicole ? Étais-je membre de la Société œnophile ? Je n’avais donc pas de département, j’étais donc un bâtard politique ; ou plutôt non, je n’étais rien de tout cela : j’étais un agent de la régence orléaniste, et je me présentais en même temps que M. Gaillardet, mon collaborateur de la Tour de Nesle, comme candidat régentiste.

Il va sans dire que ceux qui avaient avancé cette belle histoire n’en croyaient pas le plus petit mot.