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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Le cataclysme politique, en amenant de nouveaux hommes qui étaient mes amis, en emportait d’autres qui avaient aussi leur place dans mon cœur. J’eus un instant l’espoir que la régence serait jetée comme un pont entre la monarchie et la république. Mais l’avalanche révolutionnaire était lâchée à toute vitesse ; elle emporta avec elle, non-seulement le vieillard couronné, non-seulement les quatre princes sur lesquels il s’appuyait, mais encore la mère en deuil et l’enfant débile, qui ne savait ni quel était ce vent d’orage, ni de quel point il venait, ni vers quel but il remportait.

Il y eut alors un instant en France où rien ne fut plus de ce qui avait été, et où la place sur laquelle, pendant sept siècles, s’était élevé le trône des Capets, des Valois et des Bourbons, fut fauchée aussi rase que l’est, au mois de septembre, la plaine où, huit jours auparavant, s’élevait encore la moisson.

Alors, la France jeta un grand cri, moitié d’étonnement, moitié de détresse ; elle ne savait plus où elle en était, en cherchant vainement des yeux ce qu’elle avait l’habitude de voir ; elle appela à son aide ses fils les plus intelligents, et elle leur dit : « Voilà ce que mon peuple a fait dans un moment de colère ; peut-être a-t-il été trop loin, mais enfin ce qui est fait est fait ; à cette place vide qui m’effraye par sa viduité, bâtissez-moi quelque chose sur quoi puissent s’appuyer la société, la fortune publique, la morale et la religion. »

J’avais été un des premiers à entendre cet appel de la France, et il m’avait semblé que j’avais le droit de me compter au nombre des hommes intelligents qu’elle appelait à son aide.