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HISTOIRE DE MES BÊTES.

C’était un chien avec des oreilles presque droites, des yeux de couleur moutarde, à longs poils gris et blancs, portant un magnifique plumet à la queue.

À part ce plumet, c’était un assez laid animal.

Mais j’ai appris, dans le Selectæ e profanis scriptoribus, qu’il ne faut pas juger les hommes sur l’apparence ; dans Don Quichotte de la Manche, que « l’habit ne fait pas le moine » ; je me demandai donc pourquoi une règle applicable aux hommes ne serait point applicable aux chiens, et, dans ma foi pour Cervantes et Sénèque, j’ouvris mes bras au cadeau que l’on me faisait.

M. Lerat parut plus content de me donner son chien que je ne l’étais de le recevoir ; c’est le propre des bons cœurs d’aimer moins à recevoir qu’à donner.

— Les enfants, me dit-il en riant, l’appellent Pritchard. Vous serez libre, si le nom ne vous convient pas, de l’appeler comme vous voudrez.

Je n’avais rien contre le nom ; mon opinion était même que, si quelqu’un avait à récriminer, c’était le chien.

Pritchard continua donc de s’appeler Pritchard.

Je revins à Saint-Germain, — je n’habitais pas encore Monte-Cristo à cette époque, — plus riche ou plus pauvre, comme on voudra, d’un chien et de deux chevaux que lorsque j’étais parti.

Je crois que plus pauvre est, dans l’espèce, préférable à plus riche, car un de mes chevaux eut le farcin, et l’autre se donna un écart ; ce qui fit que je fus obligé de me défaire de tous les deux moyennant cent cinquante francs, et que