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HISTOIRE DE MES BÊTES.

qu’ils ne se mettent à table tous ensemble ; il y en aurait infailliblement un qui mourrait le premier.

— Mais ce n’est pas cela, Monsieur, me dit Michel.

— Qu’est-ce que c’est ?

— C’est que ces gaillards-là mangeraient par jour un bœuf avec ses cornes.

— Croyez-vous qu’ils mangeraient les cornes, Michel ? Moi, je ne crois pas.

— Ah ! si monsieur le prend comme cela, je n’ai rien à dire.

— Vous avez tort, Michel ; dites, je le prendrai absolument comme vous voudrez.

— Eh bien, si monsieur veut me laisser faire, je prendrai tout simplement un fouet, et je mettrai tout ça à la porte dès ce matin.

— Michel, mettons-y des formes ; tous ces chiens, au bout du compte, en restant ici, rendent un hommage à la maison ; donnez-leur aujourd’hui un grand dîner, prévenez-les que c’est le dîner d’adieu, et, au dessert, vous les mettrez tous à la porte.

— Comment monsieur veut-il que je les mette à la porte" ? il n’y en a pas, de porte.

— Michel, repris-je, il faut supporter certaines charges qui sont les conditions du terrain, de la position sociale, du caractère que l’on a le malheur d’avoir reçu du ciel ; puisque les chiens sont dans la maison, eh ! mon Dieu ! qu’ils y restent. Je ne crois pas que ce soient les bêles qui me ruinent jamais, Michel : seulement, dans leur intérêt, veillez à ce qu’ils ne soient plus treize, mon ami.

— Monsieur, j’en chasserai un, afin qu’ils ne soient plus que douze.