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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Je ne sais pas dans quel état est Monte-Cristo aujourd’hui ; ce que je sais, c’est que, de mon temps, il n’y avait jamais eu ni mur ni fossé, ni haie, ni clôture quelconque ; il en résulte que les gens comme les bêtes pouvaient entrer à Monte-Cristo, s’y promener tout à leur aise, cueillir les fleurs, cueillir les fruits, sans crainte d’être prévenus de vol avec escalade ou effraction. Quant aux animaux — et c’est des chiens particulièrement que je veux parler — Pritchard, qui était fort hospitalier de sa nature, leur faisait les honneurs de la maison avec une désinvolture et un désintéressement tout écossais.

Cette hospitalité s’exerçait de la part de Pritchard de la façon la plus simple et la plus antique.

Il s’asseyait au beau milieu de la route de Marly, allait à tout chien qui passait, avec ce grognement moitié menaçant, moitié amical, qui constitue la manière de s’aborder des chiens, souhaitait le bonjour au nouveau venu en lui flairant sous la queue, et se prêtait sans répugnance aucune à la même cérémonie.

Puis, quand la sympathie s’était développée à l’aide de ces attouchements, la conversation s’engageait à peu près en ces termes :

— As-tu un bon maître ? demandait le chien étranger.

— Pas mauvais, répondait Pritchard.

— Est-on bien nourri chez ton maître ?

— Mais, on a la pâtée deux fois par jour, des os au déjeuner et au dîner, et, pendant le reste de la journée, ce qu’on peut voler à la cuisine.

Le chien étranger se léchait les babines.

— Peste ! disait-il, tu n’es pas malheureux !