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HISTOIRE DE MES BÊTES.

solutions de continuité, il faut bien qu’il cède et qu’il aille à celui qui tire le plus fort.

Il en résulta qu’une planche éclata, puis deux, puis trois, et que toute une des surfaces de la cage se trouva découverte. Comme Jugurtha n’avait pas été privé d’une seule plume de ses ailes, son premier mouvement fut de s’élancer dehors, d’étendre les ailes et de s’envoler ; mais il ne s’envola que de la longueur de sa corde ; hanneton ou vautour, quand on a un fil à la patte, il faut rompre le fil ou rester prisonnier.

Jugurtha fut donc forcé de s’abattre. Mais Jugurtha était un animal fort intelligent : il vit bien d’où venait l’obstacle, et que l’obstacle, c’était moi ; par conséquent, il s’élança sur moi dans la fallacieuse espérance de me mettre en fuite ou de me dévorer si je ne fuyais pas.

Mais Jugurtha avait affaire à un animal aussi intelligent que lui. J’avais prévu l’attaque, et j’avais ordonné à Paul de me couper une jolie baguette de cornouiller, grosse comme l’index et longue de huit ou dix pieds.

J’envoyai de toute volée un coup de ma gaule à Jugurtha, qui parut étonné, mais qui continua son chemin ; je lui en sanglai un second coup a toute volée, qui l’arrêta court ; enfin, je lui en allongeai un troisième, qui lui fit prendre la route opposée, c’est-à-dire le chemin de Stora ; une fois sur ce chemin, je n’eus qu’à lui ménager adroitement les coups de gaule, et Jugurtha fit ses quatre ou cinq kilomètres à peu près du même pas que nous, à la grande admiration de mes compagnons de voyage et des gens qui nous croisaient sur le chemin.

Arrivé à Stora, Jugurtha monta sans difficulté aucune dans le