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HISTOIRE DE MES BÊTES.

comme nous étions venus, c’est-à-dire tout simplement avec la diligence qui fait le service entre Phillippeville et Constantine.

Cette diligence avait un avantage : elle marchait si doucement et faisait de tels détours, que les amateurs pouvaient se livrer au plaisir de la chasse tout le long du chemin.

Jugurtha aurait bien voulu être un de ces amateurs-là. Il voyait, du haut de son impériale, une foule d’oiseaux qui lui paraissaient ses sujets naturels, et que, en sa qualité de tyran de l’air, il regrettait évidemment de ne pouvoir manger, chair et plumes ; il se dédommagea sur le doigt d’un passager qui, placé sur l’impériale, avait voulu familiariser avec lui.

On arriva sans autre accident à Philippeville. À Philippeville, la situation se compliquait : il restait deux lieues à faire pour atteindre le port d’embarquement, c’est-à-dire Stora, et la voiture n’allait pas jusqu’à Stora.

Il est vrai que, le chemin de Philippeville à Stora étant charmant, longeant le golfe, ayant la mer à droite, de belles collines et de jolis bosquets à gauche, ces messieurs avaient décidé qu’ils feraient à pied ces deux lieues.

Mais comment Jugurtha les ferait-il, lui ?

Il n’y avait pas moyen de mettre sa boîte sur le dos d’un homme : à travers les intervalles des planches, il eut dévoré son porteur. Le suspendre à deux perches et le mettre en manière de litière sur le dos de deux hommes, c’était une affaire de cinquante francs, et, quand on achète un vautour douze francs, commission comprise, on n’est pas disposé à payer cinquante francs pour un transport. J’avisai un moyen : c’était d’allonger