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HISTOIRE DE MES BÊTES.

de faire des pointes qu’en arrêtant ferme comme des chiens de granit.

En Angleterre, pays aristocratique, où l’on chasse dans des parcs de trois ou quatre mille hectares entourés de murs, peuplés de perdrix rouges et de faisans, bariolés de pièces de trèfle, de sarrasin, de colza et de luzerne, — qu’on se garde bien de couper pour que le gibier ait toujours du couvert, — les pointers peuvent arrêter tout à leur aise, et ferme comme des chiens de pierre.

Le gibier tient.

Mais, dans notre France démocratique, divisée entre cinq ou six millions de propriétaires, où chaque paysan a un fusil à deux coups pendu à sa cheminée, où la récolte, toujours attendue impatiemment par son maître, se fait à son heure et souvent même tout entière avant l’ouverture de la chasse, un pointer est un animal désastreux.

Or, Pritchard, je l’ai dit, était un pointer.

Maintenant, sachant le mauvais usage d’un pointer en France, d’où vient, me demanderez-vous, que j’avais un pointer ?

Eh ! mon Dieu, d’où vient que l’on a une mauvaise femme ; d’où vient que l’on a un ami qui vous trompe ; d’où vient que l’on a un fusil qui vous crève dans les mains, quoiqu’on connaisse les femmes, les hommes et les fusils ?

Des circonstances !

Vous connaissez le proverbe : « Il n’y a qu’heur et malheur en ce monde. »

J’étais allé à Ham faire une visite à un prisonnier pour lequel j’avais un grand respect.