Page:Dumas, Marie - Histoire de mes bêtes, 1878.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
HISTOIRE DE MES BÊTES.

— Oh ! pour dix balles, vous l’aurez.

Inutile de dire à mes lecteurs qu’au change de l’argot, dix balles valent dix francs.

Eh bien, Beni-Mouffetard, lui dis-je, arrange-moi l’affaire pour douze, et il y aura quarante sous pour loi.

— Seulement, dit le gamin, comme pris par un remords, il faut que je vous prévienne d’une chose.

— Quoi ?

— C’est qu’il est méchant comme la gale, ce damné vautour, et qu’il n’y a que celui qui l’a déniché et le nourrit qui puisse en approcher.

— Bon ! lui dis-je, s’il est si méchant que ça, on lui mettra une muselière.

— Oui ; mais, en la lui mettant, il faudra prendre garde à vos doigts. Avant-hier, il a coupé le pouce à un Kabyle, et hier la queue d’un chien.

— On y fera attention.

Le lendemain, j’étais propriétaire d’un magnifique vautour, qui n’avait d’autre défaut, comme m’en avait prévenu le Beni-Mouffetard, que d’avoir l’air de vouloir dévorer tout ce qui l’approchait.

Il fut immédiatement baptisé du nom de son compatriote Jugurtha. Jugurtha, pour plus grande précaution, m’était livré dans une grande cage faite de fragments de planches, et il avait, pauvre forçat emplumé, autour de sa patte, entourée précautionnellement d’un chiffon, une chaîne de deux ou trois pieds de long.

Le moment du départ arrivé, nous nous en retournâmes