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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Mon intention n’est pas de raconter ici ce fameux oyage d’Espagne, où l’on a prétendu que j’allais comme historiographe du mariage de M. le duc de Montpensier, ni ce plus fameux voyage d’Afrique qui, grâce à M. de Castellane, à M. Léon de Malleville et à M. Lacrosse, eut un si retentissant écho dans la chambre des députés.

Non ; mon intention est purement et simplement d’en arriver à l’histoire d’une nouvelle bête que le susdit voyage d’Afrique devait ajouter à ma collection.

J’étais à Constantine, où, mon fusil à la main, je guettais des vautours tournant en rond au-dessus d’un charnier. Je leur avais déjà envoyé deux ou trois balles qui avaient été autant de balles perdues, lorsque j’entendis derrière moi une voix qui me disait :

— Ah ! si vous en voulez un, et un vivant, je vous en ferai vendre un, moi, et pas cher.

Je me retournai et reconnus un gamin du plus pur sang français, du plus populaire quartier parisien, un Beni-Mouffetard, comme il s’appelait lui-même, qui m’avait deux ou trois fois servi de guide, et qui, chaque fois, avait eu à se louer de ma libéralité.

— Un beau ?

— Magnifique.

— Quel âge ?

— Il a encore ses dents de lait.

— Mais enfin ?

— Dix-huit mois tout au plus. Vous savez que ça vit cent cinquante ans, un vautour ?

— Je ne tiens pas absolument à ce qu’il atteigne cet âge-là. Et combien veut-on le vendre, ton vautour ?