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HISTOIRE DE MES BÊTES.

que vais-je faire de Paul ? Je ne peux pas le tenir le long du mur toute la journée.

— Ah ! si monsieur veut dégriser Paul, c’est bien facile.

On se rappelle que Michel avait une recette pour toutes les circonstances embarrassantes.

— Que faut-il faire pour dégriser Paul, Michel ?

— Sacrebleu ! Paul, tâche donc de tenir le long du mur.

— Monsieur n’a qu’à prendre un verre d’eau, à y verser de huit à dix gouttes d’alcali, et forcer Paul à le boire. Paul éternuera et sera dégrisé.

— Avez-vous de l’alcali, Michel ?

— Non ; mais j’ai de l’ammoniaque.

— Cela revient exactement au même. Mettez-moi de l’ammoniaque dans un verre, pas trop, et apportez-moi le verre.

Cinq minutes après, Michel rentra avec la potion demandée. On desserra les dents de Paul avec un couteau à papier ; on y introduisit l’orifice du verre et l’on versa délicatement son contenu, qui prit deux directions, celle de l’œsophage, et celle de la cravate ; quoique la cravate eût été certainement plus largement imbibée que le gosier, Paul, ainsi que l’avait prédit Michel, n’en éternua pas moins avec une violence telle, que je m’éloignai, l’abandonnant à lui-même. Il chancela un instant, éternua encore, ouvrit de gros yeux fixes, et ne prononça qu’un mot qui exprimait toute sa pensée :

— Pouah !

— Eh bien, maintenant, Paul, lui dis-je, maintenant que te voilà dégrisé, couche-toi, mon ami, et, aussitôt éveillé, apporte-moi ton compte : je n’aime pas les ivrognes.