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HISTOIRE DE MES BÊTES.

ligne horizontale ; Paul, tout habillé, en grande livrée, était couché sur son lit, aussi roide et aussi immobile que s’il eût été embaumé par le système de M. Gannal ; j’avoue que, si je ne le crus pas tout à fait embaumé, je le crus à peu près trépassé. Je l’appelai, il ne répondit pas ; je le secouai, il ne bougea point ; je le levai par les épaules comme Pierrot lève Arlequin, pas une articulation ne plia. Je le posai sur ses jambes, et, comme je vis qu’un point d’appui lui était absolument nécessaire, je le collai au mur.

Pendant cette dernière opération, Paul avait enfin donné quelques signes d’existence, il avait fait des efforts pour parler, il avait ouvert de gros yeux dont on n’avait vu que le blanc ; enfin, ses lèvres arrivèrent à articuler un son inintelligible, et il demanda d’un air de mauvaise humeur :

— Pourquoi donc me lève-t-on ?

En ce moment, j’entendis du bruit à la porte de la chambre de Paul. C’était Michel qui m’avait entendu l’appeler du fond du jardin, et qui arrivait.

— Ah çà ! lui demandai-je, Paul est-il fou ?

— Non, Monsieur, me répondit-il ; mais Paul est ivre.

— Comment, Paul est ivre ?

— Ah ! oui, Monsieur ; aussitôt que monsieur a le dos tourné, Paul a un goulot de bouteille entre les dents.

— Comment ! Michel, vous saviez cela, et vous ne me l’avez pas dit ?

— Je suis ici pour être le jardinier de monsieur, mais non pas mouchard.

— C’est vrai, Michel, vous avez raison. Eh bien, maintenant,