Page:Dumas, Marie - Histoire de mes bêtes, 1878.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
HISTOIRE DE MES BÊTES.

Il resta cinq ans en Algérie, pendant lesquelles cinq années, la grâce du Seigneur l’ayant touché, il se fit baptiser sous le nom de Pierre, afin sans doute de se réserver, comme son saint patron, la faculté de renier Dieu trois fois.

Malheureusement, Eau-de-Benjoin avait oublié, en choisissant ce nom, que c’était aussi celui de son maître. Il en résulta que le colonel, ne voulant pas avoir un domestique qui s’appelât comme lui, débaptisa Eau-de-Benjoin du nom de Pierre et l’appela Paul, pensant qu’il ne pouvait que lui être agréable de passer du patronage de l’apôtre qui tient les clefs au patronage de l’apôtre qui tient le glaive.

Au bout de ces cinq années que nous avons déjà relatées, le colonel de Paul fut mis à la retraite ; il revint en France pour réclamer contre l’ordonnance ; mais l’ordonnance fut maintenue, et le colonel, réduit à la demi-solde, déclara à Paul qu’à son grand regret il était obligé de se séparer de lui.

Il y avait une distinction fâcheuse entre le colonel et l’Anglais : c’est que le colonel, restant vivant et ayant besoin de ses écus jusqu’aux derniers jours, ne donna juste à Paul que la somme qui lui était due pour ses gages, et cette somme se montait à 33 francs 50 centimes, qui glissèrent promptement entre les doigts basanés de Paul.

Mais, au service de son colonel, qui était un fin gourmand, Paul avait fait une belle connaissance : Paul avait fait la connaissance de Chevet. On a vu comment Chevet me l’avait recommandé en me disant que c’était un excellent domestique, qui n’avait qu’un défaut, celui de perdre tout ce qu’on lui confiait.

J’ai dit quelque part, dans les lignes précédentes, que Chevet