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HISTOIRE DE MES BÊTES.

les matins, à sept heures, il avait l’habitude de sonner Eau-de-Benjoin. Un matin, il ne sonna point. À huit heures, Eau-de-Benjoin entra dans sa chambre et le trouva pendu au plafond, avec le cordon de sa sonnette.

Cela expliqua pourquoi il n’avait pas sonné.

L’Anglais était généreux ; il avait même eu le soin, avant de se pendre, de laisser un rouleau de guinées à Eau-de-Benjoin ; mais Eau-de-Benjoin n’était pas économe. En véritable enfant des tropiques, il aimait tout ce qui brillait au soleil ; pourvu que cela brillât, peu lui importait que ce fût du cuivre ou de l’or, du verre ou de l’émeraude, du paillon ou du rubis, du strass ou du diamant ; il employa donc ses guinées à acheter tout ce qui brillait, entremêlant ses achats de quelques gorgées de rhum, car Eau-de-Benjoin aimait fort le rhum, — ce qu’avait oublié de me dire Chevet, pensant, sans doute, que je m’en apercevrais bien tout seul.

Quand Eau-de-Benjoin eut, je ne dirai pas mangé, — c’était un médiocre mangeur que le pauvre garçon, — mais jeté au vent sa dernière guinée, il comprit qu’il était temps de chercher une nouvelle condition.

Comme il était beau, avenant en tous points, qu’il avait l’œil et le sourire francs, les dents blanches, il eut bientôt trouvé un nouveau maître. Ce nouveau maître était un colonel français, qui l’emmena en Algérie. En Algérie, Paul se retrouva presque en famille. C’était sa langue maternelle que les Algériens parlaient, ou, plus exactement, il parlait la langue maternelle des Algériens avec beaucoup plus de pureté et d’élégance qu’eux, car il parle, lui, l’arabe en l’empruntant à sa source primitive.