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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Naso, de passer par Emfras et Gondar, s’arrêta dans cette dernière ville, y vit le jeune Eau-de-Benjoin, âgé de cinq à six ans, et, le trouvant à sa guise, l’acheta de monsieur son père moyennant une bouteille de rhum

L’enfant suivit son maître, pleura pendant deux ou trois jours ce qu’il pouvait avoir de parents. Puis, subissant l’influence de la variété des objets, si grande chez les enfants surtout, il arriva, au bout d’une semaine, à peu près consolé, aux sources de la rivière Rahad. L’Anglais descendit la rivière Rahad jusqu’à l’endroit où elle se jette dans le fleuve Bleu ; puis il descendit le fleuve Bleu jusqu’à l’endroit où il se jette dans le Nil Blanc ; il s’arrêta quinze jours à Kartoum, reprit sa course, et, deux mois après, arrivait au Caire.

Pendant six ans, Eau-de-Benjoin resta avec son Anglais ; pendant ces six ans, il parcourut l’Italie, et apprit un peu l’italien ; l’Espagne, et apprit un peu l’espagnol ; l’Angleterre, et apprit un peu l’anglais ; enfin, il stationna en France, où il apprit réellement beaucoup de français.

L’enfant du lac d’Ambra se trouvait à merveille de cette vie nomade, qui lui rappelait celle de ses ancêtres les rois pasteurs, — car Eau-de-Benjoin avait si grand air, que j’ai toujours prétendu et que je prétends encore qu’il devait descendre des conquérants de l’Égypte. — Aussi, s’il n’eût tenu qu’à lui, malgré le proverbe émis par le bon roi Dagobert, il n’eût jamais quitté son Anglais ; mais ce fut son Anglais qui le quitta. C’était un grand voyageur, que cet Anglais ; il avait tout vu. Il avait vu l’Europe, l’Asie, l’Afrique, l’Amérique et même l’Océanie ; il avait tout vu dans ce monde, il résolut de visiter l’autre. Tous