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HISTOIRE DE MES BÊTES.

dans ce moment-ci ; on lira son livre, quoique ce soit un livre de voyage, et, sur trois millions de lecteurs qu’il aura, peut-être donnera-t-il à cinquante ou soixante mille le goût de l’Algérie.

— C’est une idée, dit le ministre, j’y songerai.

Les deux hommes qui me faisaient ainsi l’honneur de s’occuper de moi sur la route de Blidah à Alger étaient, l’un M. de Salvandy, ministre de l’instruction publique, et l’autre notre illustre voyageur et mon cher ami, Xavier Marinier.

Et M. de Salvandy pensa si bien à la proposition qui lui avait été faite que, un beau matin du mois de septembre, je reçus l’invitation de dîner chez lui ; je m’y rendis, fort étonné de l’honneur qu’il me faisait. Je ne le connaissais que parce qu’il avait été chargé par M. le duc d’Orléans de nous donner, à Hugo et à moi, à Hugo la croix d’officier de la Légion d’honneur, et à moi celle de chevalier.

À cette époque, pour que notre nomination ne fît pas un trop grand scandale, il avait jugé à propos de nous adjoindre un bravegarçon nommé Grille de Bruzelin. Comme il n’y avait aucun motif de donner la croix à ce dernier, M. de Salvandy avait pensé qu’il ferait à lui seul un contre-poids suffisant à Hugo et à moi.

M. de Salvandy avait bien aussi fait, dans son jeune temps, une espèce de roman intitulé Alonzo, ou l’Espagne… en je ne sais plus quel siècle ; mais cela ne le faisait pas assez mon confrère pour lui donner l’idée de cultiver ma connaissance.

Que pouvait donc me vouloir M. de Salvandy ? Ce n’était pas pour me faire officier de la Légion d’honneur ; ces idées-là ne viennent pas d’elles-mêmes aux ministres, surtout à l’endroit des gens qui le méritent.