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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Perdant l’espoir de nous casser le cou en versant, il voulut au moins avoir un dédommagement.

Il se mit à ruer pour nous casser les jambes.

Il rua si haut et si bien, qu’une de ses jambes de derrière passa par-dessus le brancard.

Dans cette situation insolite, Dévorant, c’est mon opinion, perdit complètement la tête.

Le suicide lui parut doux, pourvu qu’il nous tuât en même temps que lui.

En conséquence, il fit avec une violence et surtout un inattendu auquel il n’y avait pas moyen de résister, un demi-tour à droite, et, prenant en plein travers la route, qu’il avait d’abord prise en longueur, il s’élança vers le ravin.

Cette fois, le dialogue fut court entre Alexandre et moi.

— Nous sommes fichus !

— Oui, papa.

Je ne sais pas ce que firent les autres ; quant à moi, je fermai les yeux et j’attendis.

Tout à coup, j’éprouvai une effroyable secousse et je me sentis craché par la voiture sur la grande route

La commotion fut terrible.

Alexandre était tombé dans toute sa longueur sur ma longueur, de sorte qu’il avait été garanti depuis la pointe des cheveux jusqu’à l’orteil.

En une seconde, il fut sur ses pieds.

Une seconde après, j’étais sur les miens.

— As-tu quelque chose ? lui demandai-je.

— Rien. Et toi ?