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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Mais il paraît que les petits chevaux, comme les petits hommes, sont d’un naturel querelleur.

Le nôtre, pendant tout le voyage, n’avait cessé de discuter avec nous.

Aussi m’étais-je chargé d’être son interlocuteur, et, comme ma conversation avait été serrée de bride et cinglée d’arguments, il avait fini, non point par reconnaître qu’il avait tort, mais par faire comme s’il reconnaissait que j’avais raison.

Grâce à cette savante dialectique, j’étais arrivé à la ferme et j’y avais conduit mes trois compagnons de voyage sans accident aucun.

Une fois notre résolution prise de partir pour Compiègne, sans retourner chez M. Mocquet, nous envoyâmes un porte-carnier à Brassoire, avec ordre de mettre Dévorant à la carriole et de venir nous rejoindre avec lui aux environs de la route de Compiègne.

Notre bucéphale avait reçu le nom de Dévorant, à cause de sa disposition à dévorer l’espace.

Alfred seul avait fait quelques objections à nos arrangements.

Il serait obligé de rentrer à Compiègne sans faire un bout de toilette ; ce qui certainement lui porterait préjudice aux yeux des belles dames de la sous-préfecture de l’Oise.

Mais nous avions passé par-dessus les lamentations fashionables d’Alfred ; notre dignité offensée le voulait ainsi.

Vers midi, nous vîmes donc poindre Dévorant, la carriole et le porte-carnier.

Dévorant, qui avait mangé à la ferme la ration d’avoine d’un cheval ordinaire, hennissait, portait la tête haute et faisait aller ses oreilles comme un télégraphe ; ce qui nous promettait, pour