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HISTOIRE DE MES BÊTES.

J’étais furieux : c’était à pleurer de rage ; d’autant plus qu’un quatrième lièvre arrivait au petit trot.

Il en fut de celui-ci comme des deux autres.

Il y mit toute la complaisance, et mon fusil tout l’entêtement possible.

Il passa à quinze pas de moi, et, pour la troisième fois, mon fusil brûla son amorce, mais ne partit pas.

Il était évident que les lièvres étaient renseignés et que le premier qui était passé sain et sauf avait fait signe aux autres qu’il y avait là un passage libre.

Cette fois, je pleurai véritablement.

Un bon tireur, posté à ma place, eût tué ses quatre lièvres.

C’était la fin de la battue, M. Mocquet vint à moi.

— Il a brûlé l’amorce trois fois, monsieur Mocquet, lui criai-je d’une voix lamentable, trois fois sur trois lièvres !

Et je lui montrai mon fusil.

— Raté ou brûlé l’amorce ? demanda M. Mocquet.

— Brûlé l’amorce ! Que diable peut-il y avoir à la culasse ?

M. Mocquet hocha la tête, sortit de son carnier un tire-bourre, l’emmancha à l’extrémité de sa baguette, tira d’abord la bourre de mon fusil, puis le plomb, puis la seconde bourre, puis la poudre, puis, après la poudre, un demi-pouce de terre qui, lorsque j’avais jeté mon fusil après le lièvre, était entré dans le canon et que j’avais repoussé au fond de la culasse eu appuyant ma première bourre sur la poudre.

J’eusse tiré sur cent lièvres, que mon fusil eût raté cent fois.