Page:Dumas, Marie - Histoire de mes bêtes, 1878.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
HISTOIRE DE MES BÊTES.

lièvre ? Cela me rajeunira de quarante ans. D’autant plus que, suivant mon ami le docteur Demarquay, j’ai dans ce moment la jambe étendue sur une chaise, avec un épanchement de synovie au genou : ce qui veut dire que je pourrais bien avoir tué mon dernier lièvre l’année passée.

J’avais treize ans, un joli fusil à un coup avec un coussin de velours sur la crosse, indiquant qu’il avait été fusil de dame avant d’être fusil d’enfant.

Mon beau-frère et M. Deviolaine avaient obtenu de ma pauvre mère que j’irais faire une battue avec eux à Brassoire.

J’arrivai là en véritable conscrit ; mes états de services portaient sept alouettes et une perdrix.

Je fus, pendant tout le dîner, — et l’on sait le temps que dure un dîner de ferme, — l’objet des plaisanteries de la société ; mais, en nous levant de table, M. Mocquet me dit tout bas :

— Laissez faire, je vous placerai aux bons endroits, et ce ne sera pas ma faute si, demain au soir, ce n’est pas vous qui vous moquez d’eux.

Quelle nuit ! j’en entendis sonner et j’en comptai toutes les heures. À six heures, j’étais levé, descendu, habillé ; j’attendais dans la cour ; il faisait nuit close, et tout le monde dormait les poings fermés.

À sept heures, les fenêtres commencèrent à s’ouvrir ; à huit heures, les chasseurs étaient réunis, et une trentaine de paysans des environs faisaient queue à la grande porte de la ferme.

C’étaient les rabatteurs.

La chasse commençait en sortant de la grande porte.

M. Mocquet me plaça à cent pas de la ferme, dans un ravin