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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Une de mes mains, la droite, se trouva dans sa gueule ; l’autre, la çauche, rencontra son cou.

Alors, j’éprouvai une douleur que je ne saurais comparer qu’à celle que cause une dent qu’on vous arrache ; seulement, la douleur d’une dent arrachée dure une seconde : la douleur que j’éprouvais dura cinq minutes.

C’était Mouton qui me broyait la main.

Pendant ce temps, je lui serrais le cou.

J’avais parfaitement compris une chose : c’est que, le tenant au pharynx, ma seule chance de salut était de serrer toujours et de plus en plus, jusqu’à ce que la respiration lui manquât.

C’est ce que je faisais.

Par bonheur, j’ai la main petite mais solide ; ce qu’elle tient, à part l’argent, elle le tient bien.

Elle tint et serra si bien le cou de Mouton, que celui-ci commença de râler. C’était un encouragement, je serrai plus fort ; Mouton râla plus haut. Enfin, réunissant toutes mes forces pour une pression suprême, j’eus la satisfaction de sentir que les dents de Mouton commençaient à se desserrer ; une seconde après, sa gueule s’ouvrit, ses yeux roulèrent dans leur orbite, il tomba terrassé sans que je lui lâchasse le cou ; seulement, j’avais la main droite mutilée.

Je lui mis le genou sur la tête et j’appelai Alexandre.

Alexandre accourut.

J’étais ruisselant de sang.

Outre ma main mâchurée, l’animal m’avait, d’un coup de griffe, déchiré la poitrine, et le sang coulait par les déchirures.

Alexandre, à la première vue, crut que la lutte durait encore