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HISTOIRE DE MES BÊTES.

Et, avec un geste qui ne promettait rien de bon à Mouton, je poursuivis :

« Mais, avant les gardes, avant même la sentinelle espagnole placée à cinquante pas derrière les promeneurs, apparut, rapide et bondissant, le chien de don Frédéric, qui, reconnaissant la voix de son maître, et comprenant qu’il demandait du secours, accourait tout hérissé, et, d’un seul élan, d’un élan de tigre, s’élança sur le More, l’étreignit si rudement à la gorge à travers les plis de son caban, que le soldat tomba en poussant un cri d’alarme. »

— Ah ! fis-je en posant ma plume, voici mon combat et mon paragraphe finis ; tiens-toi bien, Mouton !

Et je sortis, en effet, sans rien dire à personne, m’avançant tout doucement vers Mouton, et m’apprêtant à lui donner le plus rude coup de pied que je pourrais lui allonger avec un escarpin dans la partie qu’il me présentait.

Or, la partie qu’il me présentait, c’était la partie postérieure.

Je visai du mieux que je pus, et lui allongeai le coup de pied promis.

Pour avoir porté un peu bas, le coup de pied, à ce qu’il paraît, n’en avait pas été moins douloureux.

Mouton fît entendre un grognement sourd, pivota sur lui-même en me regardant avec des yeux sanglants, fit deux ou trois pas en arrière et s’élança à ma gorge.

Par bonheur, j’avais compris ce qui allait se passer, et j’avais eu le temps de me mettre en défense ; c’est-à-dire qu’au moment où il s’élançait sur moi, j’étendais les deux mains vers lui.