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HISTOIRE DE MES BÊTES.

repticement et pour intéresser le cœur du maître, qu’elle l’avait trouvé gémissant dans la cave. Lui a-t-on donné une idée du crime qu’il commettrait en étranglant ces malheureux oiseaux, ces pauvres petites bêtes, bien à plaindre certainement d’être étranglées, mais qui, au bout du compte, — les cailles surtout, destinées à devenir la nourriture de l’homme, — devaient être immolées d’un moment à l’autre, et se trouvent maintenant délivrées des transes qu’elles devaient éprouver chaque fois qu’elles voyaient la cuisinière approcher de leur retraite ?… Enfin, Messieurs, j’en appelle à votre justice : lorsqu’on a créé un nouveau mot pour excuser le crime chez l’homme, c’est-à-dire chez cet animal à deux pieds et sans plumes, doué du libre arbitre, la monomanie ; lorsque, grâce au mot, on a sauvé la tête des plus grands criminels, n admettrez-vous pas que le malheureux et intéressant Mysouff a cédé non-seulement à des instincts naturels, mais encore à des suggestions étrangères ?… J’ai dit, Messieurs. Je réclame pour mon client le bénéfice des circonstances atténuantes.

Des cris d’enthousiasme accueillirent ce plaidoyer, complètement improvisé ; on vola sous l’impression de l’éloquence du grand avocat, et Mysouff, déclaré coupable de complicité dans l’assassinat des colombes, des cailles, des damiers, des veuves et des bengalis, mais avec circonstances atténuantes, fut condamné seulement à cinq ans de singes.

C’est cette peine qu’il subissait, dans la même cage que les quadrumanes, le jour où Maquet, Atala Beauchêne, Matharel et mon fils, renseignés par Rusconi, qui venait d’arriver, regardaient et écoutaient avec ces mouvements divers et quelquefois opposés que l’on éprouve en visitant les bagnes.