Page:Dumas, Marie - Histoire de mes bêtes, 1878.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
HISTOIRE DE MES BÊTES.

— Il est très-intelligent, je t’assure, et la preuve, c’est que, les jours où le dîner est court, les jours où le rôti manque, je fais comme madame Scarron, je conte des histoires. Eh bien, je me retourne quelquefois de son côté, et je le vois pleurer ou rire, selon que l’histoire est triste ou gaie. Alors, j’allonge l’histoire ; ils croient que c’est pour eux, pas du tout, c’est pour Alexis. Je me dis : « Pauvre enfant, ils te mangent ton dîner, mais ils ne peuvent pas te manger ton histoire. » N’est-ce pas, Alexis ?

Alexis fit de la tête un signe affirmatif.

— Tu es bien le meilleur cœur que je connaisse, va !

— Après toi, mon grand chien. Ainsi, tu prends Alexis ?

— Je prends Alexis.

Je me retournai vers mon nouveau commensal.

— Ainsi, lui dis-je, tu viens de la Havane ?

— Oui, Monsieur,

— Et quelle langue parle-t-on à la Havane, mon garçon ?

— On parle créole.

— Ah ! Et comment dit-on, en créole : « Bonjour, Monsieur ? »

— On dit : Bonjour, Monsieur.

— Et : « Bonjour, Madame ? »

— On dit : Bonjour, Madame.

— Alors, cela va tout seul, mon garçon ; nous parlerons créole. — Michel ! Michel !

Michel entra.

— Tenez, Michel, voilà un citoyen qui fait partie de la maison ; je vous le recommande.