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HISTOIRE DE MES BÊTES.

l’on a perdu ces trésors d’amour qu’on s’aperçoit combien on les appréciait mal quand on les possédait ; que c’est quand on ne peut plus voir les êtres bien-aimés que l’on se souvient que l’on aurait pu les voir davantage, et qu’on se repent de ne pas les avoir vus assez !…

Je retrouvais donc Mysouff au milieu de la rue de l’Ouest, à l’endroit où elle confine à la rue de Vaugirard, assis sur son derrière, les yeux fixés au plus profond de la rue d’Assas.

Du plus loin qu’il m’apercevait, il frottait le pavé de sa queue ; puis, à mesure que j’approchais, il se levait, se promenait transversalement sur toute la ligne de la rue de l’Ouest, la queue en l’air et en faisant le gros dos.

Au moment où je mettais le pied dans la rue de l’Ouest, il me sautait aux genoux comme eût fait un chien ; puis, en gambadant et en se retournant de dix en dix pas, il reprenait le chemin de la maison.

À vingt pas de la maison, il se retournait une dernière fois et rentrait au galop. Deux secondes après, je voyais apparaître ma mère à la porte.

Bienheureuse apparition, qui a disparu pour toujours, et qui, je l’espère cependant, m’attend à une autre porte.

Voilà à quoi je pensais, chers lecteurs, voilà tous les souvenirs que ce nom de Mysouff faisait rentrer dans ma mémoire.

Vous voyez bien qu’il m’était permis de ne pas répondre à la mère Lamarque.