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HISTOIRE DE MES BÊTES.

manteau enchanté de Méphistophélès, et vous vous retrouviez enfant, plein d’espoir et d’avenir, en face de ce rêve du passé que la vue de la Madone sainte venait d’éveiller dans votre mémoire.

Eh bien, en ce moment, il en était ainsi de moi ; ce nom de Mysouff m’avait reporté à quinze ans en arrière.

Ma mère vivait. J’avais encore, dans ce temps-là, le bonheur d’être grondé de temps en temps par une mère.

Ma mère vivait et j’avais, chez M. le duc d’Orléans, une place de quinze cents francs.

Cette place m’occupait de dix heures du matin à cinq heures de l’après-midi.

Nous demeurions rue de l’Ouest, et nous avions un chat qui s’appelait Mysouff.

Ce chat avait manqué sa vocation : il aurait dû naître chien.

Tous les matins, je partais à neuf heures et demie, — il me fallait une demi-heure pour aller de la rue de l’Ouest à mon bureau, situé rue Saint-Honoré, No 216, — tous les matins, je partais à neuf heures et demie, et, tous les soirs, je revenais à cinq heures et demie.

Tous les matins, Mysouff me conduisait jusqu’à la rue de Vaugirard.

Tous les soirs. Mysouff m’attendait rue de Vaugirard.

C’étaient là ses limites, son cercle de Popilius. Je ne me rappelle pas le lui avoir jamais vu franchir.

Et ce qu’il y avait de curieux, c’est que, les jours où, par hasard, une circonstance quelconque m’avait distrait de mon devoir de fils, et où je ne devais pas rentrer pour dîner, on avait