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ASCANIO.

bes et ses mains étaient dépouillées de leur épiderme. — Pendant quelques minutes, il regarda stupidement ses chairs saignantes ; mais en ce moment cinq heures sonnèrent, il vit que les étoiles commençaient à pâlir.

Il se leva ; mais comme il se levait, une sentinelle qu’il n’avait pas aperçue et qui l’avait sans doute vu accomplir son manège fit quelques pas pour venir à lui. Benvenuto vit qu’il était perdu, et qu’il fallait tuer ou être tué. Il prit son outil, qu’il avait passé dans sa ceinture, et marcha droit au soldat d’un air si déterminé que celui-ci vit sans doute qu’outre un homme vigoureux il allait avoir un désespoir terrible à combattre. En effet, Benvenuto était résolu à ne pas reculer, mais tout à coup le soldat lui tourna le dos comme s’il ne l’avait pas vu. Le prisonnier comprit ce que cela voulait dire.

Il courut au dernier rempart. Ce rempart donnait près du fossé et était élevé de douze ou quinze pieds à peu près. Un pareil saut ne devait pas arrêter un homme comme Benvenuto Cellini, arrivé surtout où il en était, et comme il avait laissé la première partie de ses bandes à la brique, la seconde à la poutre, qu’il ne lui restait plus rien après quoi se suspendre et qu’il n’y avait pas de temps à perdre, il se suspendit par les mains à un anneau, et tout en priant Dieu mentalement, il se laissa tomber.

Cette fois il resta évanoui sur le coup.

Une heure à peu près s’écoula sans qu’il revînt à lui ; mais la fraîcheur qui court dans Taira l’approche du jour le rappela à lui-même. Il demeura un instant encore comme étourdi, puis il passa la main sur son front et tout lui revint à la mémoire.

Il ressentait à la tête une vive douleur, en même temps