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ASCANIO.

je ne vois guère que la chauve-souris que l’on puisse imiter avec succès.

— Mais enfin, Benvenuto, reprit le gouverneur, quand vous auriez le moyen de vous fabriquer une paire d’ailes, est-ce qu’au moment de vous en servir le courage ne vous manquerait pas ?

— Donnez-moi ce qu’il me faut pour les confectionner, mon cher gouverneur, et je vous répondrai en m’envolant.

— Mais que vous faut-il donc ?

— Oh ! mon Dieu, presque rien : une petite forge, une enclume, des limes, des tenailles et des pinces pour fabriquer les ressorts, et une vingtaine de bras de toile cirée pour remplacer les membranes.

— Bon, bon, dit maître Georgio, me voilà un peu rassuré, car jamais, quelle que soit votre intelligence, vous ne parviendrez à vous procurer tout cela ici.

— C’est fait, répondit Benvenuto.

Le gouverneur bondit sur sa chaise, mais au même instant il réfléchit que la chose était matériellement impossible. Cependant, toute impossible que cette chose était, elle ne laissait pas un instant de relâche à sa pauvre tête. À chaque oiseau qui passait devant sa fenêtre, il se figurait que c’était Benvenuto Cellini, tant est grande l’influence d’une puissante pensée sur une pensée médiocre.

Le même jour, maître Georgio envoya chercher le plus habile mécanicien de Rome, et lui ordonna de prendre mesure d’une paire d’ailes de chauve-souris.

Le mécanicien, stupéfait, regarda le gouverneur sans lui répondre, pensant avec quelque raison que maître Georgio était devenu fou.