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ASCANIO.

l’hypocrite, le fermoir d’or que vous lui avez donné à faire, et la lime qu’il tenait à la main n’ajoutait pas peu au pathétique de ses discours. « Chère Catherine, disait-il, je meurs d’amour pour vous ; quand donc aurez-vous pitié de mon martyre ! Un mot, je ne vous demande qu’un mot. Voyez enfin à quoi je m’expose pour vous : si je n’avais pas fini ce fermoir, le maître se douterait de quelque chose, et s’il se doutait de quelque chose, il me tuerait sans miséricorde ; mais je brave tout pour vos beaux yeux. Jésus ! ce maudit ouvrage n’avance pas. Enfin, Catherine, à quoi cela vous sert-il d’aimer Benvenuto ? il ne vous en sait pas plus de gré, il est toujours indifférent pour vous. Et moi je vous aimerais d’un amour si ardent et si prudent à la fois ! Personne ne s’en apercevrait, vous ne seriez jamais compromise, allez ! et vous pourriez compter sur ma discrétion à toute épreuve. Tenez, ajouta-t-il enhardi par mon silence, j’ai déjà trouvé un asile sûr et caché profondément où je pourrais vous entretenir sans crainte. » — Ah ! ah ! vous ne devineriez jamais, Benvenuto, la cachette que le sournois avait choisie. Je vous le donne en cent, en mille ; il n’y a que ces fronts baissés et ces yeux en dessous pour découvrir de pareils coins : il voulait loger nos amours, savez-vous où ? dans la tête de votre grande statue de Mars. On y peut monter, dit-il, avec une échelle. Il assure qu’il y a là une fort jolie chambre où l’on n’est aperçu de personne, tout en ayant sur la campagne une vue magnifique.

— L’idée est triomphante, en effet, dit Benvenuto en riant ; et qu’as-tu répondu à cela, Scozzone ?

— J’ai répondu par un grand éclat de rire que je n’ai jamais pu retenir, et qui a fort désappointé mons Pagolo. Il