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ASCANIO.

canio au ton s’il s’en écartait, et lui attribuant tout le mérite des idées qu’elle avait préparées et nécessairement amenées ; paraissant douter d’elle et l’écoutant, lui, comme un oracle ; déployant tout cet esprit cultivé et charmant qui, comme nous l’avons dit, l’avait fait surnommer la plus belle des savantes et la plus savante des belles. Enfin elle fit de cette conversation la plus douce des flatteries et la plus habile des séductions ; puis, comme le jeune homme pour la troisième ou quatrième fois faisait mine de se retirer :

— Vous me parlez, Ascanio, dit-elle en le retenant encore, avec tant d’éloquence et de feu de votre bel art de l’orfèvrerie, que c’est pour moi comme une révélation, et que je verrai dorénavant une pensée là où je ne voyais qu’une parure. Ainsi, selon vous, votre Benvenuto serait le maître de cet art.

— Madame, il y a dépassé le divin Michel-Ange lui-même.

— Je vous en veux. Vous allez diminuer la rancune que je lui porte pour ses mauvais procédés à mon égard.

— Oh ! il ne faut pas faire attention à sa rudesse, madame. Cette brusquerie cache l’âme la plus ardente et la plus dévouée ; mais Benvenuto est en même temps l’esprit le plus impatient et le plus fougueux. Il a cru que vous le faisiez attendre à plaisir, et cette insulte…

— Dites cette malice, reprit la duchesse avec la confusion jouée d’un enfant gâté. La vérité est que je n’étais pas encore habillée quand votre maître est arrivé, et j’ai seulement un peu prolongé ma toilette. C’est mal, bien mal ! Vous voyez que je vous fais ma confession. Je ne vous savais pas avec lui, ajouta-t-elle avec vivacité.