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ASCANIO.

eu des succès d’armes, il se jeta au devant de ce terrible Benvenuto Cellini devant lequel tout cédait.

— À moi, cria-t-il, à moi, infâme larroneur, et que tout se décide entre nous deux ! Voyons !

— Oh ! sur mon âme, je ne demande pas mieux, messire Robert, répondit Benvenuto. Et si vous voulez dire à vos gens de ne pas nous déranger, je suis votre homme.

— Tenez-vous tranquilles ! dit le prévôt.

— Que pas un ne bouge ! cria Cellini.

Et les combattans restèrent à leur place, silencieux et immobiles comme ces guerriers d’Homère qui interrompaient leur propre combat pour ne rien perdre du combat de deux chefs renommés.

Alors, comme le prévôt et Cellini tenaient chacun son épée nue à la main, ils se précipitèrent l’un sur l’autre. Le prévôt était habile aux armes, mais Cellini était de première force. Depuis dix ou douze ans le prévôt n’avait pas eu une seule fois l’occasion de tirer l’épée. Depuis dix ou douze ans, au contraire, un seul jour ne s’était peut-être pas écoulé sans que Benvenuto mît flamberge au vent. Aux premières passes, le prévôt, qui avait un peu trop compté sur lui-même, s’aperçut donc de la supériorité de son ennemi.

C’est qu’aussi Benvenuto Cellini, trouvant une résistance à laquelle il ne s’attendait pas dans un homme de robe, déployait toute l’énergie, toute la rapidité et toute la ruse de son jeu. C’était une chose merveilleuse que voir comment son épée, qui semblait le triple dard d’un serpent, menaçait à la fois la tête et le cœur, voltigeant d’un endroit à l’autre, et ne donnant à son adversaire que le temps de parer sans lui laisser celui de lui porter un seul coup.