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ASCANIO.

à cette langue facile et harmonieuse de l’amour que les jeunes filles comprennent avant de la parler.

— Je sais bien, continuait Ascanio, les regards toujours fixés sur Colombe, je sais bien que nous n’ajoutons rien à votre beauté. On ne rend pas Dieu plus riche parce qu’on pare son autel. Mais au moins nous entourons votre grâce de tout ce qui est suave et beau comme elle, et lorsque, pauvres et humbles ouvriers d’enchantemens et d’éclat, nous vous voyons du fond de notre ombre passer dans votre lumière, nous nous consolons d’être si fort au-dessous de vous en pensant que notre art vous élève encore.

— Oh ! monsieur, répondit Colombe toute troublée, vos belles choses me seront probablement toujours étrangères, ou du moins inutiles ; je vis dans l’isolement et l’obscurité, et loin que cet isolement et cette obscurité me pèsent, j’avoue que je les aime, j’avoue que je voudrais y demeurer toujours, et cependant j’avoue encore que je voudrais bien voir vos parures, non pas pour moi, mais pour elles ; non pas pour les mettre, mais pour les admirer.

Et tremblante d’en avoir déjà trop dit et peut-être d’en dire plus encore, Colombe, en achevant ces mots, salua et sortit avec une telle rapidité, qu’aux yeux d’un homme plus savant en pareille matière, cette sortie eût pu tout bonnement passer pour une fuite.

— Eh bien ! à la bonne heure ! dit dame Perrine, la voilà qui se réconcilie un peu avec la coquetterie. Il est vrai de dire que vous parlez comme un livre, jeune homme. Oui, vraiment, il faut croire que dans votre pays on a des secrets pour charmer les gens ; la preuve, c’est que vous m’avez mise dans vos intérêts tout de suite, moi qui vous parle, et d’honneur ! je souhaite que messire le prévôt ne