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ASCANIO.

même attitude où nous l’avons laissée. Seulement, vingt fois peut-être sa tête s’était relevée et son regard s’était fixé sur la porte par laquelle était sorti le beau jeune homme, de sorte que quelqu’un qui eût suivi ces regards répétés aurait pu croire qu’elle l’attendait. Cependant, à peine vit-elle la porte tourner sur ses gonds, que Colombe se remit au travail avec tant d’empressement, que ni dame Perrine ni Ascanîo ne purent se douter que son travail eût été interrompu.

Comment avait-elle deviné que le jeune homme suivait la duègne, c’est ce que le magnétisme aurait pu seul expliquer, si le magnétisme eût été inventé à cette époque.

— Je vous ramène notre donneur d’eau bénite, ma chère Colombe, car c’est lui en personne, et je l’avais bien reconnu. J’allais le reconduire par la porte du Grand-Nesle, lorsqu’il m’a fait observer qu’il n’avait pas pris congé de vous. La chose était vraie, car vous ne vous êtes pas dit un seul pauvre petit mot tout à l’heure. Vous n’êtes pourtant muets ni l’un ni l’autre. Dieu merci !

— Dame Perrine… interrompit Colombe toute troublée.

— Eh bien ! quoi ? il ne faut pas rougir comme cela. Monsieur Ascanio est un honnête jeune homme comme vous êtes une sage demoiselle. D’ailleurs c’est, à ce qu’il paraît, un bon artiste en bijoux, pierres précieuses et affiquets qui sont ordinairement du goût des jolies filles. Il viendra vous en montrer, mon enfant, si cela vous plaît.

— Je n’ai besoin de rien, murmura Colombe.

— À cette heure c’est possible ; mais il faut espérer que vous ne mourrez pas en recluse dans cette maudite retraite. Nous avons seize ans, Colombe, et le jour viendra