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Peut-on assez admirer que Mathieu ait osé en faire une si ridicule application, et que des gens très-habiles d’ailleurs, aient assez de foiblesse pour suivre son exemple ?

Le même Isaïe[1] nous fournit encore une de ces prophéties victorieuses. On y voit, dit-on, clairement la mort et les souffrances de Jésus-Christ. Qu’on examine ce passage avec attention, on n’y trouvera que le récit de tous les tourmens que Jérémie a essuyés. Grotius[2], un des plus zélés défenseurs de sa secte, est obligé d’en convenir ; mais, pour conserver à ce récit un air de divinité, il ajoute que Jérémie est l’emblème et le type de Jésus-Christ, et que ce qui arriva à l’un étoit une figure de ce qui devoit arriver à l’autre. Voilà à quoi on est réduit quand on veut employer son esprit et ses lumières à soutenir des choses aussi folles et aussi odieuses.

La fameuse prophétie des soixante-dix semaines de Daniel, est encore du nombre de celles dont on a ébloui ceux qui craignent d’entreprendre une discussion trop pénible et qui aiment mieux croire tout aveuglément que d’entrer dans le moindre examen. Je me garderai bien de rapporter les différentes opinions des savans sur cette prophétie : c’est une chose singulière de voir comme ils se sont donné la torture pour la faire quadrer avec la naissance de Jésus. Il y a plus de cinquante opinions sur ce sujet, sans qu’aucune puisse satisfaire l’es-

  1. Chap. 50. v. 6 et suiv.
  2. Grotius, de la véritable Religion. Tom. V. n°. 19.