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LIVRE SECOND

Nous sommes endormis d’un léthargique somme.
Celuy qui nous reprend n’est plus de nos amis ;
Moy qui brouille cecy, je m’en suis trop permis :
Car, au lieu de penser à la vie éternelle.
Celle cy m’a ravy l’esprit et la cervelle ;
Je me suis dévoyé du chemin des vertus ;
J’ay creu que les plus fins estoient les mieux vêtus,
De l’heur de mon voisin mon ame s’est emeue,
L’esclat de la grandeur m’a donné dans la veue.
Une autre fois j’ay creu que la perfection
Estoit de s’exercer à la dévotion.
Que la mort aussi bien estoit proche et commune.
Que la prudence estoit vasalle de fortune :
Témoin cet Adonis, qui fut maistre passé.
Qui n’est plus en faveur pour un verre cassé,
A l’heure qu’il croioit qu’en ce siècle de boue,
Aux affaires humains il n’y eut plus de roiie.
Le plus seur est, Monsieur, qui en avez plus vcu
Que je n’en puis entendre et que je n’en ay leu.
De suivre doucement le cours des destinées.
De penser que déjà nos meilleures années
Ont passé vistement, et qu’il faut essayer.
Si peu qui nous en reste, à le bien employer ;
Que le monde est un bois tout remply d’embuscades,
De ruses, trahisons, remises et cassades.
Et que, tel qu’il puisse estre, il en faut déloger,
Comme le pellerin d’un pais estranger,