Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
LA VILLE SANS FEMMES

confondant en remerciements et en des « Que Dieu vous bénisse de m’avoir redonné la vie ! » qui n’en finissent plus. Et il revient le lendemain :

— Ce que vous m’avez donné hier m’a guéri l’estomac. Mais aujourd’hui j’ai mal à la tête. Tellement mal que, si j’ouvre les yeux, je meurs. Si je les ferme, c’est pis encore.

On lui donne un peu de sirop dilué dans de l’eau. Et il s’en va heureux, de nouveau guéri. Jusqu’au lendemain…

La seule fois qu’il parut aller vraiment mieux ce fut le jour où, à bout de médicaments à lui donner, je lui glissai dans une boite une innocente pastille de bicarbonate de soude.

— Prends cela, dis-je, mais ne dis rien à personne parce que je l’ai dérobée à un autre malade. Avale-la en deux fois, et tu verras…

Le lendemain, il faillit m’embrasser de reconnaissance.

— Votre pastille m’a redonné la vie. Tâchez donc de m’avoir l’ordonnance pour que je puisse en acheter à Montréal…

Heureusement, le père Tranquille était libéré quelques jours après.

Un autre habitué se plaint toujours en étalant des notions assez déconcertantes de l’anatomie humaine.

Il dit, par exemple :

— Ce matin, j’ai un arthritisme au cerveau…

Ou bien :

— J’ai attrapé un rhume à la colonne vertébrale. J’ai le frisson.