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LA VILLE SANS FEMMES

— le factotum de l’hôpital — qui s’occupa de la besogne en déployant dans l’art de Figaro autant d’adresse qu’il en montrait jadis à la conduite du gouvernail de son bateau.

En attendant, la nouvelle de l’événement s’était répandue comme une traînée de poudre dans le camp et de nombreux internés se postèrent discrètement le long du trajet conduisant de la grille d’entrée à l’hôpital pour voir, ne fut-ce qu’un instant et de loin, passer une silhouette féminine.

J’attendais les visiteurs sur le seuil de l’hôpital. La dame, un peu forte, déjà sur le retour, mais très gracieuse et montrant un visage empreint d’une profonde résignation, arriva suivie par son fils, un gaillard d’une vingtaine d’années rayonnant de joie, et d’un capitaine.

De leur lit, les autres malades suivaient la scène avec des regards en dessous. À peine la porte ouverte, la femme jeta un petit cri et s’élança vers son mari. Puis il n’y eut plus entre eux qu’une longue, très longue étreinte muette.

La visite avait été limitée à un quart d’heure, mais le capitaine qui remplissait les fonctions de censeur feignit de ne pas s’apercevoir qu’il s’était écoulé cinq minutes de plus quand la séparation eut lieu.

En s’éloignant, la femme du Lituanien laissa un sillage de clarté dans l’ombre du soir tombant.

Dans les baraques — est-ce par reconnaissance ? — les internés font tourner sur leur phonographe des disques de la dame qui vient de partir…

Le mari, qui avait très bien supporté l’épreuve de la