Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
INFIRMIER

taille de colosse et le caractère farouche de son attachement à la foi communiste.

Ce Lituanien souffre de thrombose au cœur compliqué de pneumonie. Le jour de son arrivée à l’hôpital, le chirurgien, dont la haute probité et la parfaite conscience professionnelle ont chaque jour l’occasion de s’affirmer, m’avoua que, dans la meilleure des hypothèses, le malheureux en aurait pour longtemps avant de se remettre et qu’en attendant une issue fatale de la maladie était toujours à craindre. Le commandant, qui fait chaque jour une inspection minutieuse de notre petite ville et qui ne manque pas de visiter l’hôpital, même pendant la nuit, est venu voir plusieurs fois le malade et il a fini par accorder à la femme et au fils de ce dernier la faveur d’une visite.

Le Lituanien, un type d’intellectuel slave, a eu naguère son heure de notoriété à New-York, où il chanta dans la troupe de la Metropolitan House, à côté de Caruso. Sa femme est elle-même un excellent contralto ; plusieurs disques, enregistrés par de grandes maisons des États-Unis, témoignent de la pureté de sa voix, surtout dans les chansons de folklore.

Tout était décidé depuis plusieurs jours déjà, mais ce ne fut qu’à la dernière minute qu’on prévint le malade. Celui-ci était astreint depuis quinze jours à l’immobilité la plus complète. Il parut revivre en apprenant la bonne nouvelle. Puis il eut un réflexe de coquetterie charmante :

— Avant de la revoir, dit-il, je voudrais me barbifier !

Le fait est que son menton couvert de poils hirsutes le rendait tout à fait méconnaissable. Ce fut l’infirmier adjoint